17 Août 2011
Chère Aline,
Je suis vraiment désolé d’avoir en quelque sorte “ raté ” cette rencontre, de ne pas avoir su répondre à la “ voix anonyme ” ni à “ l’imprécation au ciel ”. Vous me répondrez évidemment “ mais non, vous avez fait ce que vous avez pu, vous m’avez tendu des perches, c’est moi qui n’ai pas su les saisir, etc ”, mais quand même, c’était à moi de m’ouvrir à ce que vous attendiez de moi sans savoir le formuler.
Je vous ai paru trop imposant, faute sans doute de ne pas avoir su dire “ peut-etre ” quand j’ai exprimé d’emblée mon désaccord avec votre entrée en matière (sur les choses importantes qui ne se disent que par écrit.) J’avais peut-être soif que vous me parliez de choses importantes ?
Cette sollicitude même, trop attentive, a peut-être court-circuité le temps de la maturation de notre conversation. Je n’ai pas regardé ma montre parce que j’etais pressé, c’est parce que je craignais que vous ne le soyez.
Vous dites que mon intelligence (à me tailler une personnalité à votre mesure) etait très efficace… mais dans le mauvais sens, puisqu’elle vous a découragée, comme si je déshabillais votre âme sans retenue, sans vous laisser le temps de me la faire miroiter… si vous en aviez envie.
Je n’ai que deux excuses : d’abord, je n’etais pas dans un rôle de composition, j’ai vraiment écrit un livre sur une tragédie antique et un autre en matière d'emploi, etc. Ensuite, vous vous étiez déjà un peu présentée à moi dans vos email antérieurs, la nouvelle que vous m’aviez envoyée, et ce que je devinais de sensibilité à travers votre attitude générale à mon égard. Et de tout cela vous aviez, avec hardiesse, pris l’initiative.
Votre jolie phrase même :
- j’aurais évidemment dû vous demander quelquechose, mais quoi ?.
me confirme que vous étiez en demande d’identification auprès d’un tiers, et si je vous ai répondu c’est bien que je suis en demande de légitimation sur ce chapitre (la difficulté de la politique, c’est l’incroyable degré d’abstraction auquel on en est réduit dans le service du bien commun). Avec la prudence qu’impose évidemment, de part et d’autre, tous les risques de transfert et de contre-transfert non maîtrisés, que vous connaissez sans doute tres bien.
Même vos larmes disent pourtant, malgré mon échec (à quoi ?, diriez-vous) que vous ne vous étiez pas vous-même fourvoyée (votre démarche était pour vous importante, à l’égard d’une personne qui pouvait tenir le rôle dont vous aviez besoin, vous êtes repartie avec des sentiments que vous arrivez, certes confusément, à identifier, etc) et donc vous, vous en êtes très bien sortie !
Dites-vous. Je crois me souvenir au contraire que c’est sujet de la meilleur comédie de Molière, Le Misanthrope. Vous pouvez considérer qu’Alceste n’est pas vraiment un personnage comique, mais enfin son problème est quand même son manque d’humour, et les trois belles qui l’assiègent, et qui elles n’en manquent pas, témoignent que ce trait comique (mais pas ridicule) ne manque pas de séduction.
"Lorsque l’on sait qui l’on est – personne – l’horizon est tout aussi inaccessible. D’étranges remous sur mon passage, on m’appelle, on m’interpelle, j’ai des souvenirs, les miens, et ceux de quelques autres. Beaucoup de mots, surtout, vides comme des orbites ensorcelés, et quelques cris anciens bien emballés dans du cellophane…. Lorsqu’il n’y a pas de réponse,…. “ Et celui qui ne répond pas, plus que tout autre, reste enfermé dans sa réponse ”.
Là, vous me paraissez plutôt enfermée dans votre réponse (personne) faute de poser la question !
Mais encore une fois, la question, vous me la posez depuis plus d’un an, ce qui prouve que vous savez ne pas être personne. Vous m’avez expliqué les mauvais tours professionnels que vous a joué votre trop de personnalité, de générosité et de compétence (je connais ! si vous avez suivi mes aventures dans la politique française), donc vous savez vous défendre, y compris à vos propres yeux (ce qui est le problème n°1 dans les situations d’injustices professionnelles). Vous n’êtes pas sûre qu’il en soit de même dans les autres domaines. Mais (je me répète, tendance au gâtisme, déjà ?) même votre …. allez, disons “ fuite ” témoigne que vous savez utiliser les rencontres que vous choisissez pour faire avancer les problèmes que vous avez.
"De toutes façons, personne ne pourrait reconnaître que dire la vérité est une sorte d’équilibre en soi."
Et bien justement, ce n’est pas un équilibre vis-à-vis du monde donc de soi non plus, et c’est ce qui rend Alceste comique. La difficulté est de savoir “ quand dire ”.
Parce que justement le monde ne tourne pas rond (mais il y a comme toujours une part de soi : on s'habitue plus ou moins bien à "s'y faire") --
A condition de se faire des "amis".
J’accepterais tres volontiers de vous ne tenir lieu, mais je dois vous avertir que, vous avez pu le constater, je suis d’une indisponibilité révoltante.
Si vous vous en tenez à l’idée que les chose importantes ne se disent que par écrit (peut-être, après tout), veuillez correspondre sur cette adresse, elle est plus facile à consulter. Si vous avez envie d’échanger de vive voix, ce sera pour moi un plaisir, mais il sera plus difficile de trouver un moment…